[Colloque] Crise(s) et productions culturelles en Espagne (cinéma, roman, théâtre)

Date : Du 22/11/2023 au 23/11/2023
Lieu : Université Soronne Nouvelle, Paris
Réponse attendue avant le :  01/02/2023

Colloque organisé par Marie-Soledad Rodriguez (U. Sorbonne Nouvelle/CREC), Claire Decobert (U. Orléans/Remelice), Pilar Nieva de la Paz (CSIC, Madrid), Francisca Vilches de Frutos (CSIC, Madrid).

Lorsque la crise financière étasunienne de 2008 se propage à l’Europe, le gouvernement espagnol essaie, dans un premier temps, de faire face à la menace qui pèse sur l’économie du pays en soutenant celle-ci grâce à l’injection d’importants fonds publics. Puis, sous la contrainte de divers organismes supra-nationaux, adopte, à partir de 2010, des politiques d’austérité qui vont avoir pour conséquence, notamment, une nette augmentation du chômage et l’exode de milliers de jeunes Espagnols en quête de travail. Les mesures d’austérité et les effets de la crise économique sur la société espagnole finissent par susciter une remise en cause du système politique qui se traduit par des manifestations et l’occupation de certaines places de grandes villes, mouvement connu sous l’appellation 15M (car il a débuté le 15 mai 2011) avec des slogans comme « Democracia Real Ya » ou « No nos representan » (Bernabé, 2020). Il apparaît alors que l’incapacité de l’Etat à protéger les citoyens face à la crise suscite une perte de confiance dans les institutions mais aussi une critique virulente du système d’alternance au pouvoir des deux principaux partis (PSOE et PP) et finit par faire émerger en 2014 une nouvelle organisation politique, Podemos.

Alors que la crise désignait jusqu’alors un moment de rupture, une période transitoire qu’il convenait de dépasser (Revault d’Allones, 2012), le terme semble désormais évoquer un état qui se prolonge, comme s’il devenait impossible de sortir de la crise. Ainsi, s’est développé dans le pays un sentiment d’inquiétude – car comment se construire et vivre dans une société où prédomine l’incertitude – et sont apparus des discours de rupture avec le passé récent prônant une réévaluation des fondements politiques de la démocratie. La crise économique a aussi eu une incidence considérable sur le financement public de la production culturelle, en baisse très nette au fil des ans (Rubio Arostegui et Rius Ulldemolins, 2016), notamment dans le domaine des arts de la scène et de la cinématographie.

Face à une crise plurielle qui affectait l’ensemble de la société, dramaturges, romanciers et cinéastes ont essayé de maintenir une production culturelle qui s’adapte aux nouvelles circonstances et qui témoigne de cette situation dégradée. Ainsi, sont apparus des projets comme Teatro del barrio, en 2013, dont la volonté était de s’intégrer au mouvement citoyen de questionnement du politique, et qui propose depuis des œuvres engagées dénonçant, entre autres, la corruption (Estado B. de Jordi Casanovas) ou les dérives du capitalisme (Autorretrato de un joven capitalista español de Alberto San Juan). D’autres dramaturges, sans s’insérer dans un tel projet commun, ont choisi d’écrire sur les difficultés sociales dérivant de la crise, comme Luïsa Cunillé avec Islandia, ou ont voulu mettre en scène la crise des valeurs que connaît la société espagnole avec, par exemple, Nada que perder (QY Bazo, Juanma Romero y Javier G. Yagüe).

Le cinéma, documentaire ou de fiction, s’est penché également sur les conséquences de la crise, rappelant la période de la Transition où le médium avait été utilisé pour enfin donner à voir une réalité jusqu’alors impossible à montrer du fait de la censure. Ainsi, des cinéastes se sont attachés à présenter ce que signifiait la perte ou l’expulsion d’un logement (Cerca de tu casa de Eduard Cortés, La granja del paso de Silvia Munt), l’émigration forcée des jeunes Espagnols (En tierra extraña d’Iciar Bollaín, Perdiendo el Norte de Nacho G. Velilla), les conditions de travail dégradées (La mano invisible de David Macián) ou encore la corruption politique (El reino de Rodrigo Sorogoyen). D’une certaine façon il serait alors possible d’évoquer un nouveau cinéma engagé, soucieux de donner la parole aux victimes de la crise économique ou de dénoncer les dérives d’un système politique qui ne correspond pas aux attentes des citoyens.

Le roman a été lui aussi un espace d’interrogation par rapport à une crise qui a pu apparaître comme la conséquence d’un aveuglément collectif (Todo lo que era sólido d’Antonio Muñoz Molina) ou le résultat d’une dégradation morale s’étendant à tous les secteurs de la société, institutions, entreprises et banques, mais aussi simples citoyens (En la orilla de Rafael Chirbes). La production romanesque s’intéressant aux victimes de la crise et dénonçant les effets d’un capitalisme destructeur a été si abondante que certains critiques utilisent, pour la qualifier, l’expression « roman de la crise » et voient dans les œuvres un écho du roman social qui s’était développé sous la dictature franquiste ; pensons ainsi à Made in Spain de Javier Mestre ou Democracia de Pablo Gutiérrez.

Le colloque se propose donc d’explorer ces trois domaines de la production culturelle, depuis 2008, autour des axes suivants :

  • impact de la crise sur la production culturelle, étude de l’évolution des politiques et financements publics concernant les arts de la scène, la cinématographie et le roman
  • littérature et cinéma de dénonciation, production culturelle engagée, représentation des victimes de la crise
  • cinéma et théâtre « documenta », comment apparaissent témoignages et documents, quels changements cette pratique introduit-elle dans les œuvres et leur réception ?
  • la crise (économique, politique, sociale) induit-elle une crise de la représentation et de l’écriture ?

Appel à communication

Date de réception des propositions : jusqu’au 1er février 2023.

Télécharger l’appel à communication