La serpicina. Fra un’animalità dolente e vindice: la novella di Lazzaro, tintore turchino

Publié pour la première fois en 1847, La serpicina de Francesco Domenico Guerrazzi (1804-1873) – plus connu pour ses romans historiques (notamment La battaglia di Benevento, 1827 ; et L’assedio di Firenze,1836) et pour son engagement politique républicain qui lui valut la prison et l’exil –, est un texte hybride, à mi-chemin entre l’apologue et le conte merveilleux, dont l’anecdote fondatrice est inspirée d’une nouvelle édifiante publiée au XVIIe siècle par le prédicateur jésuite Carlo Casalicchio. Mais par la complexité et l’ambiguïté qu’il confère à son contenu, Guerrazzi est parvenu à en retourner la portée et à tirer l’anecdote vers le conte merveilleux tel qu’il renaît dans la littérature italienne à partir de 1860, aussi bien à travers la collecte des contes populaires oraux (Gherardo Nerucci, Giuseppe Pitrè) qu’au sein du développement d’une production de contes de fées littéraires (Carlo Collodi, Vittorio Imbriani, Luigi Capuana).
Guerrazzi parvient à ses fins en instituant dans son récit un narrateur, Lazzaro qui, tout de bleu vêtu et le visage et les mains de bleu teints comme il sied à un teinturier, se substitue à une longue chaîne de narratrices inaugurée par la vieille qui transmet chez Apulée à la jeune captive la fabella de Psyché, à l’instar des dix vieilles choisies par le roi Tadeo à l’origine de Lo cunto de li cunti de Giovan Battista Basile (1634). De plus, le conte de Guerrazzi manifeste l’usage d’une forme syntaxique, l’imperativo reduplicato, qui va devenir dans les décennies suivantes le chiffre stylistique du conte de fée littéraire italien en ce qu’il témoigne de la tradition orale à laquelle ces textes littéraires feignent de se rattacher et au sein de laquelle ils inscrivent la marque de leur identité.
La serpicina est un texte fondateur qui essaime dans la production du conte merveilleux italien de la seconde moitié du XIXe siècle et dont on retrouve les traces jusque dans le classique que sont Le avventure di Pinocchio de Carlo Collodi (1883).