Repenser l’œuvre antique. Textes à plusieurs mains et transmission plurielle

Les éditions imprimées, y compris les éditions critiques, peuvent donner au lecteur une image trop simple de ce qu’est un texte antique: intuitivement, celui-ci est pensé comme la reconstruction aussi fidèle que possible d’un archétype d’auteur transmis tant mal que bien par les manuscrits. Lorsque nous lisons une œuvre antique, nous espérons, à l’aide d’une édition critique qui a fait le travail de discrimination entre la leçon fautive et la leçon d’auteur, lire le texte dans une version proche de celle qui avait été élaborée par le père de l’ouvrage. Les problèmes dans la transmission des œuvres ne seraient alors que des accidents dans la vie du texte, qu’on les explique par la maladresse des copistes, par la dégradation du support matériel, par des lecteurs interventionnistes trahissant, à la marge, la vocation naturelle de la copie. Mais l’histoire de la transmission des textes antiques est plus complexe qu’il n’y paraît. Le présent volume souhaite explorer la notion de tradition textuelle comme processus actif qui remet en cause l’intégrité du texte, l’unicité de l’auteur et/ou le caractère de paradigme normatif de l’œuvre reçue. La notion d’œuvre elle-même s’en trouve altérée, ou plutôt doit être repensée en termes de pluralité textuelle, qui n’est pas nécessairement soluble dans un stemma codicum, en particulier pour les textes qui ont fait l’objet d’éditions multiples, de versions, de récritures, d’abrègements, d’amplifications, de raboutages, d’oralisations concurrentes et/ou d’enrichissements successifs.

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