[Séminaire Cultures visuelles] « Entres les images » : la photographie comme pratique artistique et sociale

Date : 26/01/2021


Séminaire Cultures visuelles IV organisé par l’Intru.

« Entres les images » : la photographie comme pratique artistique et sociale par Raphaële Bertho (Intru)

A l’entrée de son exposition au Jeu de Paume en 2019, Marc Pataut choisit d’exposer une « œuvre fondatrice » de son travail marqué par la collaboration lors de ses interventions d’« infirmier-photographe » à l’hôpital de jour d’Aubervilliers dans les années 1980. Toujours en 2019, le Réseau Diagonal, rassemblant des institutions culturelles consacrées à la photographie sur l’ensemble du territoire national, lance un dispositif de soutien à des projets de collaboration au long cours entre des photographes et des publics non scolaires. Loin d’être une coïncidence fortuite, ces occurrences témoignent d’un mouvement de fond dans la création photographique française contemporaine : celui du développement de ce que l’on peut désigner comme un « art en commun ».

Cette terminologie autorise une translation des catégories anglo-saxonnes community-based art, liant pratiques participatives et recherche d’effectivité sociale (Zhong Mengual, 2019). Le développement de ces pratiques depuis les années 1990 vient bouleverser la hiérarchie des valeurs structurant le monde de l’art contemporain, où la dimension sociale sonne souvent comme l’éviction de la valeur artistique. L’émergence d’un « art en commun » en France résulte ainsi d’un déplacement fondamental de paradigme, consacrant le dépassement du modèle pédagogique de l’art au profit d’une approche performative. Ici la photographie « en commun » devient un laboratoire du rôle politique de la pratique artistique du médium.

Parce qu’elles sont au croisement des politiques publiques de la culture, de l’éducation, à l’ombre des catégories de la médiation culturelle ou de l’animation socio-culturelle, dans le creux de l’action sociale et des politiques territoriales, ces pratiques souffrent d’une invisibilité du point de vue de l’histoire de l’art en France malgré leur importance croissante dans l’économie de la création photographique (Rapport Métier de photographe, 2015).

Il s’agit ici de renouveler les questionnements sur la relation esthétique entre artistes, œuvres et publics, interrogeant tant la place de l’auteur (Palmer, 2017) que les modalités du partage du sensible (Rancière, 2000). La photographie « en commun » permet non seulement l’appropriation des outils visuels mais aussi l’élaboration et le partage d’un énoncé critique et performatif. La représentation constitue tant le moyen que la fin d’une action dont les enjeux débordent le cadre de l’image. Cette approche implique de ne pas seulement considérer la surface de la représentation mais aussi ses conditions de réalisation et de partage, en mettant en place une méthodologie croisant histoire de l’art, histoire sociale avec d’autre discipline portant sur l’activité elle-même comme l’ergonomie. Il s’agit ainsi d’analyser tant les images elles-mêmes que ce qui se passe « entre les images ».

Séminaire en visioconférence de 18h à 20h.
Demandez le lien à raphaele.bertho(a)univ-tours.fr